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Sim(s)inéma

Prologue • Vivre un peu dans un monde qui n'existe pas.

Dernière mise à jour : 2 sept. 2019

Farewell • Apocalyptica (A écouter pour une meilleure immersion !)


Être fou, c’est vivre un peu dans un monde qui n’existe pas.

Mais qu’est-ce qui existe vraiment ?



« C'est encore arrivé... »


« L’école m’a appelée. Charlotte a fait une autre crise aujourd’hui, ils ont dû l’enfermer dans une pièce à part jusqu’à ce que je vienne la chercher. Il faut faire quelque chose, on doit aller voir quelqu’un… »


« Elle a huit ans, Elisabeth… a son âge on a de l’imagination.

- De l’imagination ? »


« Elle a lancé toutes ses affaires à travers la pièce parce qu’elle croyait avoir vu un fantôme ! La maîtresse m’a raconté qu’elle avait hurlé pendant deux heures sans arrêt ! »


« Ce n’est pas de l’imagination Stéphane ! Elle parle toute seule à longueur de temps, elle a des hallucinations chaque jour, elle…

- Alors quoi ? Qu’est-ce que tu penses ? »


« Tu penses qu’elle est folle ? Tu veux envoyer notre fille dans un asile ? »


« Tu veux envoyer notre petite fille de huit ans dans un asile ?

- Je te dis juste qu’il faut qu’on prenne une décision ! Ça ne peut plus durer comme ça ! »


« Pourquoi est-ce que tu ne veux pas voir les choses en face ? Elle dit des choses terrifiantes, des choses qu’une enfant ne devrait pas connaître… elle… elle me dit que des esprits la visitent la nuit, qu’elle voit des choses… »


« Elle fait peur à tout le monde ! Ses professeurs, ses camarades, sa sœur, moi ! Elle me fait peur, Stéphane… »


« … ma petite fille me fait peur… »




J’ai longtemps cru que j’étais folle.


Que rien de ce que je pouvais voir n'existait vraiment.


Que les visions de mes rêves n’étaient que des images


Que le monde dans lequel je vivais était un mirage.



Lorsqu’on est enfant, on pense que tout ce que disent les autres est vrai.


On pense que tout ce que disent nos parents est vrai.


On pense que tout ce que disent les médecins est vrai.



On pense qu'on ne sait rien.


On pense qu’on ne peut se fier à personne, et surtout pas à soi-même.


On pense qu'on est seul.


Qu’on le sera toujours.


Qu'on a aucune valeur.


Je ne sais plus très bien quand est-ce que j'ai cessé d'être une enfant.

Mais un jour, j’ai compris qu'on était le détenteur de notre propre vérité.


Que j'étais la seule à savoir qui j'étais.


Que c'était à chacun de prendre son destin en main.


Que j’avais le droit à la vie. Que j’avais le droit à l’existence. Que j’avais le droit à la résilience.



On a tous le droit d'exister.



J'ai longtemps cru que j'étais folle.


Un père démissionnaire, qui faisait tout pour persuader notre entourage que je n’avais aucun problème, pas tant pour sauver les apparences que parce qu’il était lui-même incapable d’affronter les problèmes.


Une mère perfectionniste et perpétuellement dans l’angoisse, qui voyait tout imprévu comme un problème à régler, qui avait placé toute sa foi en la médecine, prête à jeter sa famille dans les limbes d’un système psychiatrique archaïque.


Une sœur de deux ans ma cadette qui s’était vue propulsée dans le monde adulte, partageant son enfance entre les moqueries qui m’étaient destinées et la salle d’attente d’un hôpital psychiatrique, ne vivant que pour compenser mes faiblesses.


Je me suis construite avec l’idée que j’avais irrémédiablement brisé ma famille, comme c’est trop souvent le lot des enfants différents, coupables et victimes des histoires les plus sordides en bon boucs émissaires de leurs géniteurs.


Comme ma présence était un douloureux rappel de leurs erreurs et de leurs échecs, comme ils aspiraient sans doute à retrouver une vie la plus normale possible, il avait été facile de convaincre mes parents de me verser chaque mois une petite pension et de me laisser prendre mon envol. Ce choix leur laissait tout le loisir de se penser bons parents, de se persuader qu’ils n’agissaient que pour mon bien et dans le respect de ma volonté.


J’avais décidé de feindre la guérison, d’affirmer que je ne voyais plus ni monstre ni fantôme, de partir sans me retourner sur ces vingt-trois ans qui faisaient mon passé ; je voulais saisir mon droit de vivre, connaître tous les plaisirs dont on m’avait privée.


Je savais, en quittant ma chambre, que cet internement serait le dernier.


« Alors, Lotte, c'est le grand jour ! Contente de sortir ?

- Oui, j'avais hâte. »


« J'espère que tout ira bien pour toi, et que ton nouveau traitement fera effet. »


En vérité, je ne savais pas vraiment si j’étais folle ou si j’avais simplement accès à un monde de chimères invisibles aux yeux des Hommes.


Mais qu’importe ?

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